Héros d'un jour ... / feat Naga

Eté , an 2025.

En messie de la journée , Thélis jubilait intérieurement devant son public. Devant lui , en arc-de-cercle , trois jeunes louveteaux bien portant , et sans doute progénitures de diverses courtisanes du cercle fermée. Tous , agés de 3 mois , les jeunes étaient maintenant bien sevrés et commençaient à avoir soif d'aventure. Et qui donc de mieux qu'un Émissaire un peu trop orgueilleux pour les distraire ?

« C'est vrai que t'as déjà voyagé en dehors du territoire ? » Commença l'un , au pelage brun , surement enfant de Vitany. Thélis acquiesça d'un vif mouvement de tête , dressant les oreilles et vantant ses exploits.

« Assurément ! C'est un peu mon job. » Un autre , beaucoup plus entreprenant , surement le frère du premier , lui coupa les mots.

« Hé ! Tu peux nous emmener ?! Dis , dis ! Allez ! » L'Emissaire se crispa et fut tenté de rétorquer. Malheureusement , vint une vague de supplications d'enfants , un peu trop tactile et beaucoup trop bavards qui le coupa net dans ses propos. Aussi bien que les louveteaux , maintenant bien portant , virent jusqu'à lui grimper dessus. Suppliant toujours leur ainé de les emmener avec lui. D'abord agacé , le plus vieux se dérida d'un coup , acceptant son sort et tomba en arrière. Se laissant volontiers écraser par les deux marmots.

« H-héhé ! S'pa comme ça que vous allez m'convaincre ! » Ricana-t-il , allongé sur le flanc.

Piqués au vif , les deux gamins redoublèrent de cris et de petites morsures aux oreilles.

«Oh ! Hé , pas touche ! C'est sensible , ces trucs là ! J'pourrais plus bosser après ! »

Assise devant la tanière des louveteaux, Naga surveillait ses trois protégés absorbés par les histoires d’un émissaire de la meute. Les yeux pétillants, les petites buvaient les paroles du grand loup, comme s’il s’agissait d’histoires extraordinaires. Ils étaient déjà dans leurs troisièmes mois et ne tenaient plus en place. Leurs seuls désirs ? Sortir accompagner les adultes.

Naga posait ses yeux emplis de tendresse sur les trois louveteaux. Elles les avaient vu naître, petites boules aveugles et sans défenses. Elles les avaient vus grandir de semaines en semaines. Le temps passait incroyablement vite. Elle sentit une sorte de tristesse, une pointe au cœur. Elle se sentait déjà anéantie par leur futur départ. Mais c’était ainsi. Il fallait qu’ils laissent la place aux autres louveteaux qui viendraient le printemps prochain.

Intenables, les trois petits devinrent vite plus entreprenant avec leur aîné, venant même à grimper sur son dos, le noyant de supplications et autres couinements. Je me mis automatiquement debout lorsque je vis l’air agacé que pris le grand mâle. J’étais prête à intervenir si les choses dégénéraient. Oui, cela arrivait plus souvent que ce que l’on peut penser. Mais le loup se détendit rapidement, remplaçant l’agacement par l’amusement.

Les glapissements des louveteaux se mêlèrent au rire du mâle. Tout allait bien. Amusée à son tour, Naga laissa quelques minutes aux petits pour s’amuser et jouer avec l’émissaire. Mais ils ne devaient pas prendre cette habitude, ce n’était pas convenable. Ils atteignaient vite l’âge des responsabilités.
Naga s’approcha du groupe de canidés, et s’exclama avec fermeté.

« Finit de jouer les loupiots. Laissez ce bon grand Thélis tranquille. Vous l’avez assez abîmé pour aujourd’hui.
- Bien Tante Na, répondirent-ils en cœur.
- On dit quoi à monsieur Thélis ?
- Merci monsieur, et au revoir.»

Sans broncher, les trois petits firent la course jusqu’à la tanière. Naga les suivit d’un regard plein d’amour. Malgré leur tendance à s’agiter et à jouer, c’était de bons petits. Naga ne doutait pas du fait qu’ils seraient de bons membres pour la meute plus tard.

La jeune louve se retourna vers l’émissaire, et baissa la tête en signe de respect et de remerciement. Il avait su se montrer patient avec les louveteaux, qualité qu’il manquait à bon nombre de ses compatriotes.

« Veuillez les excusez pour les désagréments. Ils sont encore jeunes et insouciants. J’espère qu’ils ne vous ont pas trop importuné… »

Naga garda les yeux rivés au sol pendant ses quelques paroles. Elle n’aimait pas trop parler aux autres membres de la meute. Sa timidité reprenait vite le dessus face aux adultes.

Thélis fit une roulade sur le flanc , après que les petits furent partis. S’ébrouant de l'herbe jaunâtre , il éternua à plusieurs reprises. Tandis que leur responsable , une petite gouvernante aux teintes brunes et aux yeux vairons vint bredouiller quelques excuses.

« Veuillez les excusez pour les désagréments. Ils sont encore jeunes et insouciants. J’espère qu’ils ne vous ont pas trop importuné… »

Le mâle ria un bon coup.

« Oh , vous faites pas d'bile ! J'adore les mômes. » Il ourla un peu les oreilles. « Enfin , dans la mesure du raisonnable ! Ha-ha ! » Le loup , les yeux clos. Se dandina de gauche à droite , toujours assis. « Et puis s'pa comme si j'connaissais pas l'Père , hinhin ... Gaffe , gaffe ! Faut pas faire de gaffe ! Ha-ha ! » Il vit ses yeux rivés sur le sol et son attitude soumise. Beaucoup plus chétive que lui , il l'a dépassait d'au moins une bonne tête. Son pelage cotonneux aidant à lui donner un air plus imposant. « Mais dis donc ! » Il allongea son cou vers elle , pressant son museau humide contre le front de la louve.
« S'quoi ce air tout triste là ! Faites moi un grand sourire. » Décollant son nez , il appuya son menton sur son poitrail avant d'étirer une énorme sourire , dévoilant toutes ses canines.
« Comme ça ! »

Thélis se releva rapidement, puis s’ébroua afin de ôter herbes et poussières qui s’accrochaient à son pelage. D’un rire sincère, il répondit à la jeune louve.

« Oh, vous faites pas d'bile ! J'adore les mômes. Enfin, dans la mesure du raisonnable ! Ha-ha ! »

Naga se dit qu’il riait beaucoup pour un adulte. Enfin, tout le monde ne pouvait pas rester éternellement sérieux certes, mais celui-là devait bien aimer rire. Le grand loup ferma les yeux, et se mit à dandiner sur ses pattes.

« Et puis s'pa comme si j'connaissais pas l'Père, hinhin ... Gaffe , gaffe ! Faut pas faire de gaffe ! Ha-ha ! »

Naga sourit intérieurement, elle le trouvait drôle. Et il parlait beaucoup. C’était un peu son contraire. Extraverti sans complexe. Naga fuyait le plus souvent ce genre de personnage.

Les yeux toujours dirigés sur ses pattes, elle sentit le museau du loup se poser sur son front, ce qui lui fit hérisser l’échine. Le contact physique avec les autres n’était pas son fort, comme la discussion à vrai dire. Elle essaya de se détendre, faisant abstraction de la sensation du museau humide contre son poil. Il semblait que Thélis soit plus tactile et bavard qu’elle ne se l’était imaginé. Intérieurement, elle demandait à ce qu’il retire rapidement son museau.

« S'quoi ce air tout triste là ! Faites moi un grand sourire. »

Thélis finit par relever la tête, rompant le contact entre lui et la demoiselle. Cette dernière leva le regard, et découvrit le spectacle qui se jouait sous ses yeux. Le menton collé au poitrail, l’émissaire affichait une sorte de sourire, dévoilant toutes ses dents. Il était au bord du ridicule. Naga ne put se retenir. Elle se cacha derrière l’une de ses pattes avant, et se mit à rire. Elle comprenait pourquoi les loupiots aimaient la compagnie de ce grand loup. Il était à la fois drôle et attendrissant. Une victime de choix pour les louveteaux.

« Je suis contente qu’ils ne vous aient pas embêté alors. Merci de prendre soin d’eux… »

Naga garda la tête relevée. Elle gardait un léger sourire sur son museau pour faire plaisir à l’émissaire. Ce n’était pas à son habitude de sourire avec les autres, sauf les louveteaux. Mais elle ferait un effort pour Thélis, car, elle sentait qu’elle l’aimait bien. C’était un peu comme un loupiot mais en un peu plus grand, et avec de bonnes manières.

« Je suis contente qu’ils ne vous aient pas embêté alors. Merci de prendre soin d’eux… »

« Oh ! On peut pas dire que j'sois la meilleure des gouvernantes ! Mais j'accepte le compliment. » Rayonna Thélis , en reprenant sa route. La contourna par la gauche , il lui jeta un nouveau regard. « Vous êtes pas très causante dis donc. » Il orienta son museau vers elle , humant fortement l'air. « Une conversation à sens unique , c'est pas drôle. » Une critique mystifiée. L’émissaire lui jeta un nouveau sourire , beaucoup plus goguenard. « J'parie que vous pouvez causer plus fort ! Toutes les femelles le peuvent ! »

Naga suivit l’émissaire du regard quand il se mit à la contourner. Que faisait-il ? La jeune louve le trouvait de plus en plus étrange. A vrai dire, elle ne savait plus vraiment quoi penser de lui.

« Vous êtes pas très causante dis donc. »

Il avait tout à fait raison. La discussion ne faisait pas partie des points forts de la femelle. Comme Thélis le disait, une conversation à sens unique, ce n’était pas marrant. Mais au fond, Naga ne demandait pas à ce qu’on lui fasse la conversation. Elle était venue s’excuser, point. Mais elle se retrouvait dans une discussion qu’elle n’avait pas réellement envie de partager.

Naga sentit la critique dans les paroles du loup. Elle vit son sourire moqueur. Elle plaqua ses oreilles en arrière, touchée par son attitude. Elle avait trop souffert des moqueries autrefois, elle n’avait pas envie d’en revivre aujourd’hui.

« J'parie que vous pouvez causer plus fort ! Toutes les femelles le peuvent ! »

Mais où voulait-il en venir ? La jeune louve secoua la tête, essayant de refluer sa peur et sa colère. Elle avait peur qu’il se mette à se moquer d’elle comme ils le faisaient tous, et elle lui en voulait pour ses paroles et son sourire. Le sourire de Naga retomba. Elle affichait un visage sans réelles émotions, neutre.

« Je ne vois pas en quoi une femelle devrait automatiquement avoir la capacité de parler fort. Si vous voulez des cris, allez égorger un lapin, ou une biche. Ils pourront parler fort eux, ou du moins hurler fort. »

La femelle lui fit face, plongeant ses yeux bicolores dans ceux de Thélis. Elle avait envie de lui dire beaucoup plus de choses, mais elle se retint. Les paroles dites sous la peur ou la colère, sont des paroles que l’on regrette un jour. Il valait mieux se taire que cela en déplaise au grand loup. Elle ne changerait pas ses habitudes pour un de ces canidés qui se croient gentils.