Nostalgie. [PV → Clorelus]

Un océan d'ennuis. Voilà ce qui se dressait devant toi. Rien de plus, rien de moins. De toute la journée, tu n'avais rien trouvé de mieux à faire que de rester planter-là comme si de rien n'était. Bien sûr que tu avais eu quelques animations, tu avais pu hausser la voix après quelques loups et ce avec un plaisir évident, mais rien de très stimulant. Tu te contentais de rester là, tel un vieux gâteux à dorer au soleil. Ta vie n'était qu'un tissu d'ennuis lorsque tu n'avais pas de tâche précise ou que tu n'avais personne après qui reprocher des actes ou des paroles. Tu ne connaissais rien de plus plaisant que cela. Peut-être que passer du temps avec Clorelus égalait le bonheur que tu ressentais lorsque tu ouvrais ta gueule pour lancer une remarque acide à tel ou tel loup. De toute façon, tu as le droit à la plupart des écarts. Tes relations te le permettent. Un sourire mesquin gardait ton visage éveillé et lui donnait une humeur. Tu n'attendais plus qu'une animation pour venir enfin te sortir de ton apathie. En attendant, tes vieux souvenirs vinrent t'endommager le cœur, la disparition de ta compagne et de ton fils. Si seulement tu savais ce qu'il en était, où ils sont, ce qu'ils sont devenus et la raison de leur départ… doucement tu sombres dans un océan de nostalgie qui ne te ressemble étrangement pas.

« Duel de regard avec le sol ? » Apparu derrière son ami , tel un être venu d'ailleurs. Clorelus , nouvelle branche en gueule , s'installa sans ménagement près de son conseiller , le bousculant même un peu de son postérieur. Envahissant volontairement l'espace , il lâcha la branche sur ses pattes et commença à la torturer de ses crocs.

« Je crois qu'il a gagné. » Pourtant Clorelus ne ria pas de sa blague. Au contraire , il conserva son air éternellement désabusé. La branche se brisa en deux , comme un claquage. Ou un craquement d'os. Il saliva d'avance en songeant au retour des cervidés. Bientôt , il pourrait ronger de vrais os plutôt que des simples branches d'arbres.

Plongé dans des souvenirs d'un autre temps, tu ne t'aperçois même pas que Clorelus se rapproche de toi. Pourtant, tu connais celui-là depuis belles lurettes et ses manilles ne devraient plus te surprendre. Tu retiens un soubresaut de surprise lorsque tu sens une masse s'écraser contre ton flanc et d'un geste vif, tu tournes la tête. Tes yeux croisent ceux de ton roi et soulagé de sa présence, tu émets un léger soupir. Il n'y a que lui pour faire des apparitions ainsi. Et qui plus est avec toujours ces mêmes bouts de bois dans la gueule, bois de bois qui ne dure guère longtemps par ailleurs. « Duel de regard avec le sol ? » Ses paroles font seulement tilt dans ton crâne. Qu'est-ce qui t'arrive donc ? Tu n'es pas ainsi d'habitude, tout cela ne te ressemble pas. Tu pestes silencieusement contre toi-même. Qu'est-ce que tu deviens ? Un vieux pleurant le passé ? Ce n'est pas ce qui caractérise d'habitude. Il faut que tu te reprennes. Le passé est le passé. Tu ne peux revenir en arrière. Ils sont plus là, tu ne pourras rien y changer. « Je crois qu'il a gagné. » La petite intervention de Clorelus permet de te sortir complètement de tes pensées sombres. Il ne faut plus penser à cela. Tout cela n'est que le passé. Le laisser où il doit être, voilà ce qu'il faut faire. Tu finis par plonger ton regard droit en avant, dans le vide presque. Même si cela ne se voit pas, tu observes le Camp et ses alentours. Tu n'es pas surpris lorsqu'un craquement sinistre annonce la fin du bâton. C'était évident qu'il ne resterait pas longtemps en vie, celui-là comme les autres. Te détendant, tu te permets de t'affaisser davantage sur ton roi et ami. « Encore à maltraiter ses pauvres morceaux de bois ? Quand est-ce que cette manie te quitteras ? » En réalité, tu poses cette question plus pour parler qu'autre chose et plus pour toi que pour lui car au fond, tu connais déjà la réponse.

Clorelus rumina à la répartie de son ami.

« Elle me quittera quand les cerfs reviendront. » Un copeau de bois vola. « Ils sont en retard. » Grogna-t-il avec impatience. Le loup cracha les derniers restes , a ses pattes puis s’intéressa enfin à son pair. « Tu es plus silencieux que d'habitude. » Clorelus abaissa le museau , le regard suspicieux. Sa queue coupée battant un peu. Ourlant ses oreilles vers l'arrière , Clorelus usa de son pauvre sens de l'imagination pour s’inquiéter de l'état son ami. « ... Tu t’inquiètes aussi de l'arrivée des cerfs , hum ? » Fronçant les sourcils , il plissa le nez , sortant la langue. « J'avais raison , ils sont en retard ! »