Adorable Folie > Clorelus

S'avançant en silence au milieu de la meute, tête haute, Hannala essayait de se faire discrète. Elle n'avait pas la moindre envie de se faire remarquer. Elle se dirigeait, à pas feutrés, passant près de groupes de loups en pleine discussion, vers le coin réservé à son père. Toute la meute était animée d'une sort d'euphorie étrange suite à une chasse qui avait été plus fructueuse que les autres, visiblement. Mais la princesse n'en savait rien, puisque après tout, les princesses ne chassent pas. Stupide question de noblesse. Elle en avait marre de jouer les nounous en arrière plan. Oh, oui, les louveteaux étaient mignons, doux, adorables, elle aimait jouer avec eux, les voir découvrir la vie, lui poser des questions. Mais elle aussi voulait découvrir un peu la vie, voir le monde au delà du terrier, du bois de la meute. Les seuls souvenirs qu'elle avait d'ailleurs semblait remonter à sa plus tendre enfance, où Mr son père prenait encore le temps de les faire, elle et sa soeur, sortir du cadre familial. Certes, ça avait été très rare, mais ces moments l'avait toujours rendu heureuse. Et puis, elle avait envie de rencontrer sa famille, son oncle qu'elle n'avait encore jamais vu, celui dont son père semblait haïr jusqu'au moindre poil. Ces affaires étaient entre eux, elle ne voyait aucune raison à ce qu'on la prive de sa famille. Et puis, si c'était un tel charlatant, elle se ferait de lui sa propre opinion et rejoindrait la haine de son père.
Elle arriva enfin au coin réservé à son père, et le cherchant des yeux, demanda d'une voix claire :

« Père ? C'est Hannala. J'aimerais vous parler. »

Son père se figea , comme d'ordinaire , un bâton creusé de ses dents , entre les crocs. Allongé sur le flanc , Clorelus appréciait ses petits moments de détente où ses qualités de Roi étaient au repos. C'est à cause de cela qu'il fut assez irrité d'entendre la voix fluette de sa fille , près de lui. Il avait fait pivoter son oreille la plus proche d'elle , vers la source du bruit. Sans se retourner. Il continua de mâchonner son bois.

« Je sais bien qui tu es , fille. » Railla-t-il , un moment. Ses babines collés au bois. Il plaça l'une de ses pattes sur la petite branche , la cassant dans un bruit sec. Relevant un peu son corps , il attrapa l'un des bouts éclatés en gueule et le lança sur Hannala , sans prendre le temps de la prévenir. Clorelus prit le sien et donna les restes du bois à Edward et Tess , les nouveaux venus qui aimaient gravités autour de lui. Le petit gris attrapa joyeusement son bout de bois , contrairement à Tess , qui hésita un moment , avant de rejoindre son frère avec son petit trophée. Ils partirent aussi vite qu'ils furent venus.

« Attrape ! » Encouragea le Roi à sa fille.

Son père se tenait dans un coin, allongé sur le flanc, à mâchonner comme à son habitude un bâton entre ses dents. Son oreille se tourna vers elle, alors qu'il ne daigna même pas lui offrir un regard. Elle hésita à faire un pas de plus dans son antre, jeta un regard autour d'elle, soucieuse. Edward et Tess la fixaient aussi, près de leur père. Hannala eut un pincement au coeur, baissa la tête et laissa retomber mollement sa queue. Elle soupira devant l'éternelle raillerie de son père à son égard, le fixant d'un air morne. Elle aurait aimé avoir l'attention de son père tel qu'il l'offrait à Edward, et de même à Tess. Digne hériter du trône, Ed' avait toute son attention. Elle aurait aimé être un mâle pour avoir elle aussi cette attention. Mais qu'importe.
Son père cassa le bout de bois, jeta un bout aux deux petiots en lui en jeta un à elle aussi. Suivant le morceau du regard, elle referma sa mâchoire un peu trop tôt et il lui échappa d'à peine quelques millimètres. Il tomba au sol dans un petit bruit sec, et, rageuse, elle le reprit dans sa gueule pour le mâchonner à son tour. Elle finit par le poser avec délicatesse, et s'avança jusqu'à s'asseoir devant son père, toujours affalé, enroulant élégamment sa queue autour de ses propres pattes.

« Père, je voudrais rencontrer mon oncle. Je pense qu'il serait temps de me confronter à la réalité. J'avoue être lasse de ne rien faire de plus que de garder les louveteaux tout au long de la journée. »

« Noé ? » Demanda Clorelus , semblant ne pas comprendre. « Rurfm. Je crois qu'il est un peu mort pour cela... Ma fille. » Clorelus réduisit le bout de bois en miettes , hachant et broyant les derniers copeaux. Le Roi releva son corps , étirant ses membres avant et baillant à s'en décrocher la mâchoire. Finalement , il s'affala de nouveau. Dans la poussière. Le menton au sol , il roula sur le coté. Appréciant les petits rayons du soleil qui traversait les cimes des arbres.

« Cesse donc de dire des idioties et dors un peu. » Et comme pour lui montrer l'exemple , le loup imposant retourna sur son flanc. Laissant Edward , qui était revenu derechef , grimper sur son encolure. Tess garda ses distances , préférant aller entre les pattes de sa grande sœur , plutôt qu'entre les crocs de son père. Elle offrit un sourire timide à l'autre Princesse , remuant un peu la queue.

Hannala se tortilla sur elle-même, gênée. Non, non, pas Oncle Noé. Enfin, même si elle aurait aimé le rencontrer, connaître son histoire, mais ce n'était pas de lui qu'elle parlait. Elle se tint muette, observant son père se relever, s'étirer pour s'affaler de nouveau, tel un âne mort, dans la poussière. Le flemmardise suait par tous les ports de sa peau. Dire qu'on disait de lui qu'il était fort, puissant, courageux, ainsi étalé sur le sol, il perdait beaucoup de sa splendeur. Redevenant un loup comme tout un autre.
Toutefois, lorsqu'il l'invita à sommeiller près de lui, elle laissa échapper un grognement insatisfait. Il se fichait vraiment d'elle comme de sa première de de lait ou bien peut-être était-ce un jeu ? Sans doute ne la prenait-il pas au sérieux ! Edward revint graviter autour du corps de son père, et Tess dans les pattes de sa soeur, avec un faible sourire. Celle-ci, charmée une fois de plus, ne pus lui résister et lui donna un coup de museau affectueux, avant de se relever et de faire les cents pas près de son père.

« Non, non et encore. J'en ai marre de rester là à trainer le museau par terre. »

Elle finit par se rapprocher de son père, posant ses deux pattes avants sur le flanc imposant de son géniteur.

« Je. Veux. Rencontrer. Mon. Oncle. Varrento. Arrêtez de tous me traîter comme une enfant, à la fin. »

Les oreilles en arrière, elle rapprocha son museau de celui de son père, et laissa échapper un grondement, trop léger, féminin ou dérisoire pour paraître un tant soit peu menacant. C'était même plus un gémissement qu'un véritable grognement.

« Je veux et je vais rencontrer mon oncle, avec ou sans vous. Et s'il me viole, me torture, me tranche les quatre membres et me livre à manger à sa meute d'ours affamés, ce sera de votre faute ! »

Le Roi soupira , excédé.

« Tu parles trop. » Couina-t-il , entre ses dents. « ...On dirait ta mère. »

Tess et Edward s'étaient éclipsés à l'entente de l'embrouille qui s'annonçait. Courant à toute hâte , on aurait cru voir des petits furets en fuite. Les oreilles basses , Clorelus lui lança un regard ennuyé.

« ...Pour quoi faire ? » Céda-t-il , un peu. « Si ton oncle t'arrachait la langue , il me rendrait service. » Finit-t-il sur un ton sec. Le Père roula paresseusement sur le dos , se roulant dans l'herbe mouillée et rafraîchi par la neige fondue. Il s'en voulu un peu d’être aussi rêche avec elle. Mais son besoin d'aventure l'a rendait plus qu'intenable et Amalia n'aidait en rien pour. Diana , beaucoup plus facile à canaliser , semblait contente de son sort.

« Demande à ta mère. » Reprit-t-il comme si il parlait de la pluie et du beau-temps. « ... Je t'ai affilé un chaperon. »