c'est ce qu'on appelle une mission impossible › corbeau

Le choc que lui procura l'eau lorsque son corps entra en contact avec le liquide bleu fut si fort qu'il manqua d'en être assommé. Ses pattes blessées et fatiguées continuaient pourtant de se battre contre le courant, et c'est à peine s'il parvenait à maintenir sa tête hors de l'eau pour respirer, et ainsi éviter de boire la tasse et de se noyer par la même occasion. La sensation de l'eau plus froide que froide sur son pelage qui brûlait il y a encore quelques minutes le fit sourire largement. Après avoir pataugé dans l'eau pour se rapprocher de la terre ferme, il arriva jusqu'à la rive, rampant d'une manière pataude pour s'y affaler. Ses yeux dorés grimpèrent jusqu'à la plate-forme d'ou il venait de sauter, pour voir les silhouettes désormais lointaines des carcajous s'y agiter.

Et Corbeau ? Ses oreilles pointèrent en direction de la surface d'eau lorsqu'il entendit son nom. C'était la jeune louve, elle aussi saine et sauve, qui essayait également de contrecarrer les plans du courant, qui comptait bien l'emmener en direction du barrage construit par les castors. Il était temps de lui redevoir les nombreux sauvetages qu'elle lui avait offert jusque-là, décida-t-il en sautant à nouveau dans l'eau, pour rejoindre la louve au pelage sombre, agrippant du plus doucement qu'il le pouvait sa fourrure de ses dents, et commencer à nager en direction de la rive en la tirant avec lui. Enfin, après quelques minutes passées à naviguer dans le lac, Commodor revint à la terre ferme, s'allongeant aux cotés de Corbeau après l'avoir déposée.

Seul le bruit de leurs respirations rythma ce moment, tous deux essayant de récupérer des émotions d'aujourd'hui. Finalement, le noiraud ouvrit la gueule pour laisser échapper un rire gêné et honnête, un rire comme il n'avait jamais eu depuis son arrivée sur ces terres. C'était une sensation plus qu'agréable que de se délester de tous ses soucis en riant de la sorte, il avait totalement oublié le bien que ça faisait de rire à gorge déployée de la sorte. Et tout ça, c'était grâce à cette femelle nommée Corbeau. Après s'être esclaffé de la sorte, il tourna la tête pour regarder la louve, ses poils mouillés collant à ses yeux et obscurcissant légèrement son champ de vision. « Je crains n'avoir jamais fait quelque chose d'aussi fou de toute ma vie, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. » déclara-t-il avec un éternel sourire collé aux lèvres.

C'était une bonne chose, selon lui. Peut-être leur rencontre était destinée, parce qu'elle venait de lui faire changer d'avis sur sa vision non pas du monde, mais de ces terres. Il resterait pessimiste et négatif comme jamais, mais il essayerait au moins avant d'abandonner directement. Leur aventure était une leçon qu'il ne risquait pas d'oublier de sitôt.

Corbeau avait du mal à rester à la surface, elle n'avait soudainement plus d'énergie, comme si le combat contre les carcajous et le plongeon lui avaient demandé tout le reste. Et c'était vraisemblablement le cas. Elle mettait sa tête droite, tentant en vain, n'arrivant pas à voir Commodor. Elle se faisait lamentablement emporter par le courant la femelle aux yeux dorés, elle tentait de se battre mais sans forces, c'était compliqué. Et alors qu'elle pensait se noyer, elle vit la masse noire de Commodor près d'elle, attrapant délicatement sa fourrure entre ses crocs avant de la tirer. Corbeau eut un fin sourire de soulagement, aidant Commodor à la tâche en battant ses pattes. L'eau fraîche faisait un bien fou mais elle n'avait pas le temps d'y penser, à présent, elle voulait juste se reposer quelques minutes, rester coucher. Alors qu'elle pensait cela en voyant la berge se rapprocher de plus en plus, Commodor et elle furent enfin dessus. La femelle se coucha directement, se laissant pratiquement tomber sur le ventre, ses flancs se soulevant rapidement. Son cœur s'affolait toujours mais finirait bien par se calmer. Du coin de l’œil, elle regarda Commodor qui était également couché. Derrière eux, plus haut, les cris furieux des Carcajous s'étaient tassés, ils avaient certainement espérés de voir les deux canidés couler. Mais il en fallait plus que cela pour les deux loups noirs!

Ils restèrent silencieux, le bruit de leurs respirations saccadées brisant légèrement le silence. Corbeau ferma ses yeux, les oreilles basses, dégoulinante d'eau. Elle avait eu peur, elle avait eu la rage mais finalement, elle était... heureuse? Un rire gêné et franc s'échappa de la gorge de Commodor et la louve rouvrit ses yeux d'or pour le regarder, souriant légèrement. Elle rit doucement à son tour, riant comme elle n'avait pas rit depuis des mois, de longs mois. Se libérant, ouvrant son cœur à une possible amitié. Et cette aventure... de la folie. Depuis quand un truc pareil ne lui était pas arrivé? Maintenant que tout était passé, malgré ses blessures, ses peurs, elle riait et avait trouvé cela génial. Un soupire de soulagement s'échappa d'entre ses babines et elle se roula sur le côté, se mettant sur le dos, les pattes en l'air. Elle observa du coin de l’œil Commodor qui la regardait également, prenant finalement la parole. Aux dires de Commodor, Corbeau eut un nouveau léger rire soulagé et amusé. Levant les yeux vers le ciel, la louve réfléchissait légèrement.

Au final, cet endroit n'était peut-être pas si mauvais? Elle avait voulu mourir, avait lâchement abandonné puisque de toute façon, ici, elle ne manquerait à personne. Et puis, sérieusement, fuir de cet endroit? Comment? Se roulant de nouveau, Corbeau offrit un léger coup de truffe à Commodor, souriant doucement. ❝ En effet, je n'oublierais pas cela de sitôt... Et puis je me dis qu'au final, cet endroit n'est peut-être pas si horrible? J'ai... un ami maintenant, non? ❞ Fit elle doucement, presque timidement, comme si elle avait peur de la réponse du mâle. Après tout cela, elle ne pouvait pas le détester, il lui avait sauvé la vie et inversement, un vrai travail d'équipe qu'ils avaient effectués pour en arriver là. La louve finit par déposer sa tête sur ses pattes avant croisées, les yeux mi-clos. ❝ Et maintenant qu'on est saufs, on peut peut-être se raconter nos raisons? ❞ Déclara la femelle au pelage sombre en se souvenant alors de ce qu'ils s'étaient dit dans la grotte. ❝ Et on peu même se tutoyer maintenant! ❞ Termina la femelle en posant son regard doré sur Commodor, appréciant ce petit repos, l'ombre des quelques feuillages, la fine brise, le bruit de l'eau derrière eux et tout simplement, la compagnie du grand mâle noir.

La louve le rejoignit rapidement lorsqu'il éclata de rire, le son résonnant autour d'eux. Le cœur ainsi que le corps du noiraud se sentait soudainement plus léger, comparé aux épreuves auxquelles il avait fait face la seconde d'avant. Depuis son arrivée sur ces terres, il n'avait subi que des attaques, et n'avait rencontré que méfiance et agressivité sur son chemin. L'arrivée de Corbeau dans sa vie avait radicalement changé la donne, et il était plus que satisfait de l'avoir rencontrée, malgré les circonstances plutôt particulières de cette dernière. Il avait désormais oublié toute idée de mourir ou de disparaître à jamais, parce qu'elle venait de lui re-donner le courage qui lui manquait tant. Si elle savait, songea-t-il en l'observant rouler sur son dos.

Son sourire s'élargit lorsqu'elle lui donna un léger coup de truffe, quelque peu surpris par le terme qu'elle utilisa. Ami ? Cela faisait bien longtemps qu'il n'en avait pas eu, plusieurs mois déjà. Il avait été régulièrement privé d'interactions sociales, alors il n'était pas sûr de savoir comment se comporter en tant qu'ami. Mais en tout cas, il essaierait, il n'allait pas décevoir la jeune louve. Il se permit de pencher sa tête vers la sienne pour lécher sa joue, en guise de signe d'amitié, pour confirmer ses propos. Il ne retrouverait peut-être jamais sa chère famille disparue, mais au moins, il pourrait couler des jours tranquilles ici, avec ses amis. Enfin, il n'en avait qu'une pour l'instant, mais c'était déjà bien.

Il reposa sa tête au sol, levant les yeux au ciel bleu au-dessus d'eux, qui semblait refléter la surface limpide du lac. Il était temps de passer aux choses sérieuses, il en était conscient. Surtout maintenant qu'ils se considéraient comme des amis, ils devaient se raconter des choses importantes entre eux, pour ne pas laisser de secrets et de doutes. « Je vais essayer de vo-te tutoyer, alors. » concéda-t-il en souriant toujours, ses pupilles brillant doucement. Il était sur le bon chemin, surtout maintenant qu'il avait fait tout ce chemin en sa compagnie. Ça pouvait paraître futile, mais pour lui, c'était beaucoup. Une aventure dans les falaises, un combat contre les carcajous et un plongeon dans un lac. C'était un cachet d'adrénaline qui contenait tout ce qu'il n'avait jamais fait auparavant, et qu'il rattrapait en 5 min. à peine.

« Concernant mes raisons de mourir...je pense que ça date de mes 2 ans, environ. A cette époque-là, j'habitais loin d'ici. J'étais messager au sein de ma meute, j'aimais beaucoup envoyer et recevoir des messages importants. Et puis, un jour, je me suis aventuré trop près d'une route d'humain...et j'ai failli avoir un accident de voiture. » commença-t-il à expliquer, prudent dans le choix de ses mots. Il se rappelait déjà de l'accident comme s'il était arrivé la veille, alors il préférait ne pas utiliser des mots trop clairs, qui lui donneraient des frissons rien qu'en y pensant. « J'ai perdu quelque chose ce jour-là, je pense. Lorsque les bipèdes m'ont retrouvé, je me laissais déjà mourir. » Et il s'en était voulu, un bref instant, de vouloir gaspiller sa vie de la sorte, alors que ses frères l'attendaient à la maison.

Son sourire avait disparu, et son visage était redevenu sérieux, presque triste. Il aurait tout donné pour revenir en arrière, pour changer la tournure des événements. Il serait reparti avant l'arrivée des bipèdes, et aurait rejoint ses frères. Et tout se serait bien terminé. Mais voilà qu'il se retrouvait coincé dans ce coin perdu, entouré de congénères hostiles. « Et toi ? » s'enquit-il en tournant à nouveau la tête en direction de Corbeau, désireux de changer de sujet et plus vite que ça. Parler de son passé n'était pas quelque chose qui lui tenait à cœur.

Corbeau sentit la langue humide du mâle venir lécher l'une de ses joues, elle leva les yeux vers lui, comprenant finalement que c'était une façon de confirmer ses propos. Elle se sentait bien aujourd'hui, depuis son arrivée ici, elle n'avait rencontré personne appart des bestioles hostiles. Elle était bien contente d'être tombée sur Commodor, un ami dans cet endroit inconnu était toujours bon. Surtout un comme Commodor. Elle était toujours admirative du coup de crocs formidable qu'il avait donné au caracajou, lui brisant la nuque. Finalement, le mâle noir déclara qu'il essaierait de la tutoyer tout en manquant de la vouvoyer. Cela arracha un léger sourire à la femelle qui redressa sa tête, les oreilles droites et ses orbes dorées baissées vers ses pattes avant. De l'une d'elles, Corbeau grattait la terre, la malaxant sous ses griffes. Écoutant avec une grande attention les paroles de Commodor. Ce qu'il racontait lui faisait légèrement penser à elle, du moins, la dernière partie. Il avait traîné trop près des humains et il avait été capturé et emmené ici, un peu comme elle. Déposant son regard sur le visage du mâle, la louve aux yeux d'or remarqua qu'il avait perdu son sourire et son air amusé d'il y a quelques minutes.

Tandis qu'il lui demandait de son côté comment cela se passait, la femelle lui offrit un nouveau coup de truffe dans la joue, léger, juste pour qu'il cesse cet air sombre. Même si elle comprenait parfaitement, ressasser son passé faisait parfois mal. Commodor était loin des siens, auprès d'inconnus parfois hostiles, la vie ici pour les loups importés n'était pas des plus simples. Il fallait parvenir à s'intégrer dans une meute et Corbeau était persuadée de ne jamais y arriver. Elle ? Intégrer une meute ? Encore ? Impossible. De toute façon, à quoi servirait-elle ? La louve aimait se prélasser sur un rocher à ne rien faire depuis son arrivée ici, préférant penser, retomber dans les souvenirs de ses anciennes terres. Enfin, passons. La femelle reposa sa tête sur ses pattes avant de parler à son tour. Il l'avait fait, à présent, c'était à elle. ❝ Eh bien... J'étais dans une meute, fille d'Alpha mais à cause de divers problèmes, j'en ai été banni. J'ai parvenu à surmonter mes blessures et avec un loup rejeté que j'ai trouvé, nous avons fondé une meute de rejetés. Il y a eu des louveteaux dans la meute et j'ai traîné près d'un village pour trouver facilement de la nourriture sauf qu'ils n'ont pas appréciés. J'ai été récupéré de peu par les hommes qui nous relâchent ici et après des soins, il m'ont mit là. ❞ Soupira t-elle avant de se gratter le museau avec sa patte avant gauche.

❝ J'ai tout perdu alors je ne voyais pas l'utilité de continuer de vivre ici. J'ai bien pensé à fuir mais c'est tellement grand et je dois être si loin de chez moi... ❞ Souffla t-elle de nouveau en levant ses yeux au ciel azuré, pensive. Que faisaient donc Ranger et la meute? Est-ce qu'ils avaient tenté de la retrouver? Elle espérait qu'ils se débrouillaient bien, tous. Qu'ils allaient bien. Elle aurait aimé leur dire au moins au revoir mais non, elle avait été brutalement arraché. Enlevé de sa terre parce qu'ils avaient eu peur de la menace des villageois. Corbeau finit par relever sa tête puis re-déposa ses orbes dorées sur son allié, souriant légèrement. ❝ Et puis il y a aussi la cause de mon ancienne culture. Ma meute croit dur comme fer au destin, que notre destinée est déjà écrite. Sur mon rocher, je pensais que mon destin serait de mourir ici alors j'ai attendu. Mais visiblement, mon destin n'était pas de mourir dans ces falaises. ❞ Termina la femelle en se redressant doucement, s'ébrouant, ses poils encore humides. Elle se détourna pour s'approcher doucement du bord et se désaltérer enfin tranquillement. En paix. Plus personne pour les déranger ! Elle lapa longuement, appréciant le liquide limpide et frais. Une fois ceci fait, elle redressa sa tête, léchant ses babines et observant encore un peu les falaises. Ils avaient fait un sacré parcours, aujourd'hui. Elle se détourna vers Commodor, souriant légèrement. ❝ Tu crois au destin ? ❞ Fit-elle en penchant légèrement sa tête d'un côté, les oreilles droites.

Le grand mâle trouva le réconfort et le courage qu'il lui manquait pour retrouver le sourire après avoir raconté son histoire, lorsque la femelle à ses cotés lui accorda un nouveau coup de truffe. Il comprit par là qu'elle essayait de lui remonter le moral, et la tentative lui arracha aussitôt un sourire reconnaissant. Il n'avait eu que peu de ce genre de réconfort autant moral que physique depuis son arrivée ici, alors dire qu'il ressentait de la gratitude envers a jeune louve pour ce geste si simple mais si significatif pour lui était bien gentil. L'existence-même de loups importés par les humains était un sacrilège pour les whitefawn, et ce n'est pas comme si les autres groupes minoritaires et majoritaire sur ces territoires les traitaient mieux que ces derniers. Il avait cependant moins de ressentiment envers la meute de la plaine que celle de clorelus, c'était on ne peut plus clair.

Songer à la meute de la plaine le forçait à re-considérer sa place en tant que solitaire. Il ne cesserait de le dire, autant il aimait sa liberté en tant que vagabond, autant la sécurité garantie au sein d'une meute faisait miroiter ses yeux. Il avait besoin de direction actuellement, parce qu'il était face-à-face à un dilemme qu'il ne parvenait pas à résoudre par lui-même. Il ne voulait pas rejoindre une meute pour se retrouver à obéir bêtement, comme un vulgaire mouton suivant son berger, les ordres d'un alpha quelconque. Mais il se retrouverait peut-être à le faire, un jour, parce qu'il aura été poussé au-delà de ses limites. Les mouvements de la jeune louve à coté de lui le firent se concentrer sur ce qu'elle disait, tandis qu'elle posait la tête sur ses pattes. Il suivit le mouvement en roulant sur le coté, pour se retrouver allongé sur le ventre.

L'histoire de la jeune louve poussa le noiraud sur la terre à ses cotés d'écarquiller légèrement ses yeux de surprise. Une fille d'alpha, qui se retrouvait à errer vulgairement de la sorte en territoire inconnu ? Comparé à quelqu'un comme lui, qui n'était autrefois qu'un simple émissaire, elle était quelqu'un d'important. Enfin, du moins, par le passé. Désormais, il n'y avait plus aucune odeur dominante qui se dégageait de son pelage foncé. Et puis, subir un bannissement n'était pas quelque chose de banal, tout de même, songea-t-il en l'observant sans ajouter quoi que ce soit, curieux mais à la fois réservé. Il aurait pu lui demander les raisons de son bannissement, mais si elle jugeait qu'il n'avait pas besoin de les savoir alors il n'allait pas non plus l'obliger à dévoiler ses secrets. Cela finirait bien par venir, un jour ou l'autre. Et puis, même sans connaitre ces fameuses raisons, ce n'était pas ce qui allait l'empêcher de la considérer comme une amie.

Elle avait tout de même eu le courage ensuite de fonder une nouvelle meute, alors que beaucoup se seraient simplement laissés mourir de honte. Elle avait tout de même eu de la chance, selon lui. Sur sa terre natale, lors des bannissements, il se déroulait ce qu'on appelait la chasse aux traîtres. Les loups bannis s'enfuyaient la queue entre les jambes, et quelques heures plus tard, toute la meute était requise pour se lancer à leurs trousses, et les exécuter de la façon la plus hideuse possible. Si cette sorte de purge amusait les guerriers de la meute, ça dégoûtait plus qu'autre chose Achim, mais ce n'est pas comme s'il avait quelque chose à redire aux alphas dans sa position de messager. Il ne comptait même plus le nombre de fois ou il avait intentionnellement laissé un des loups bannis s'enfuir lorsqu'il en tenait un entre ses griffes. Il ne voulait pas vivre le reste de sa vie comme un meurtrier, pas en tuant un de ses congénères pour continuer à vivre. Si condamner les herbivores qu'il dévorait par la suite lui venait tout naturellement, participer au meurtre d'un autre loup était une notion horripilante à ses yeux. « Tu...as été courageuse. » murmura-t-il doucement, comme sur le ton de la confession.

Il acquiesça à ses mots. « J'ai aussi essayé de fuir. Je pensais il y a peu à retourner au refuge des humains. Je veux dire, ce sont eux qui nous ont amenés ici, ils doivent connaitre la sortie, la direction de nos terres natales. » expliqua-t-il en frottant ses oreilles contre la terre sèche au-dessous de sa tête. Sa principale cible dans ce plan avait été Stéphanie, l'humaine qui l'avait traitée au même rang qu'elle au centre. Il se sentait coupable de penser à la tromper de la sorte, mais il ferait tout ce qu'il pouvait pour sortir, quitte à devoir menacer les bipèdes pour ça. Parce que derrière l'abri des hommes, il y avait la route de leurs terres natales. Savoir qu'il était si près du but mais en même temps si loin brisait littéralement le cœur du mâle. Lorsque Corbeau se releva pour aller se désaltérer, il la suivit. Parler ainsi lui donnait soif, et il ne comptait pas revivre de sitôt la soif ressentie en haut des falaises.

Les paroles de la jeune louve le plongèrent dans un état pensif. Le destin, hein. A vrai dire, il n'y avait jamais réfléchi, il se contentait de vivre sa vie, point barre. Mais maintenant qu'elle en parlait, il pouvait se permettre à croire à cette notion. « Je préfère parier sur le hasard. Et la chance, parce qu'elle est généralement de paire avec ce dernier. » laissa-t-il échapper dans un sourire, léchant les gouttes d'eau qui s'égaraient sur son menton. « Je n'aime pas croire que mon destin était de finir enfermé ici. Parce que si je me laisse y croire, alors je dois accepter le fait que je devais être séparé de ma famille. Et je ne vois pas quelle force là-haut voudrait faire une chose pareille, séparer un jeune de ses parents et lui imposer ce genre d'épreuves. » Ses dents étaient désormais serrées, et son regard doré transmettait une haine sans-pareille à son reflet dans l'eau, troublée par les gouttes qui coulaient de ses poils.

Quand Corbeau avait été banni et suivit par deux loups en charge de la tuer, elle ne s'était pas tellement trouvée courageuse, plutôt étrangement animée d'une grande force d'envie de vivre. Elle avait fuit du mieux possible, encaissant les coups des canidés avant de trouver un refuge adéquate et y restant longtemps. Et lorsqu'elle avait trouvé Ranger, plus jeune qu'elle, seul, elle n'avait pas pu se résoudre à l'abandonner à son triste sort, il avait vécu sensiblement la même chose qu'elle, elle l'avait donc prit sous son aile. Et ensemble, ils avaient réussit à former une petite meute. Certainement le moment le plus heureux de sa vie. Elle avait écouté avec attention les paroles de Commodor, il avait raison, si les humains les avaient emmenés jusque là, ils connaissaient forcément la sortie, l'endroit d'où ils venaient. Mais comment se faire comprendre des humains? Elle avait traîné quelques jours près de l'endroit où elle avait été relâché dans l'espoir qu'on la récupère mais ce fut en vain. La femelle aux yeux d'or soupirait doucement, écoutant avec attention son nouvel allié, son ami. Le hasard et la chance? Elle trouvait cela étrange mais comprenait, de toute façon, chacun pensait à sa façon. Plus ou moins. On lui avait transmit ce truc de croire au destin, comme quoi tout le monde avait sa vie de tracée et qu'on suivait inlassablement cette vie. Elle y croyait mais, d'un côté, trouvait cela ridicule. Corbeau sourit doucement, son regard déposé sur Commodor qui léchait quelques gouttes d'eau glissant sur son menton.

La suite des paroles du mâle à la fourrure bouclée firent alors réfléchir la femelle. Elle avait commencé à s'y faire, à se dire que Ranger et les autres se débrouilleraient bien sans elle. Était-ce une bonne chose? Dans un sens, elle abandonnait, elle se déterminait au fait qu'elle resterait coincée ici pour un bon moment, voir pour toujours. Commdor, lui, ne semblait aucunement résolu à cette idée et dans ses iris dorées brillèrent une lueur de haine. Corbeau baissa légèrement ses oreilles, déviant son regard vers leurs reflets troublés par quelques gouttes d'eau. Il avait d'un côté raison, qui voudrait qu'ils soient ainsi arrachés à leur meute? Leur famille? Pourquoi eux? Corbeau n'appréciait pour le moment pas vraiment cet endroit hostile à son goût mais, à quoi bon se laisser mourir au final? Elle avait eu un véritable instant de faiblesse. Vouloir mourir après tout cela? Après ces choses effectuées? Après s'être battue pour survivre? Non, elle ne devait pas se laisser abattre. Corbeau redressa sa tête puis reposa son regard sur Commodor, un fin sourire sur ses lèvres légèrement abîmées. ❝ Nous avons été idiots de vouloir mourir dans cet endroit. Il ne doit aucunement nous vaincre, n'est-ce pas? Ce n'est pas en mourant que nous aurons une chance de retrouver les nôtres. ❞ Déclara finalement la femelle avant de boire encore quelques lapées d'eau fraîche.

Elle savait ce qu'elle devait faire ici. Survivre le temps de trouver un moyen de partir, jamais elle ne devait se résoudre à persister dans cet endroit qui n'était pas son chez elle. Elle aura beau vivre des choses, peut-être ne plus être vagabonde, se faire d'autres proches - même si elle voulait éviter -, elle partirait. Oh que oui, elle partirait. ❝ Je sais ce que je vais faire ici, maintenant. Survivre et m'échapper un jour où l'autre, je ne veux pas me résoudre à vivre ici. ❞ Quoiqu'il arrive, elle retrouverait son ancien territoire, elle retrouvera Ranger et les autres, les louveteaux qui devaient avoir tant grandit à présent. Elle n'acceptait pas non plus d'être séparée des siens, Commodor avait terriblement raison sur ce point. La femelle sentit soudainement son estomac grogner et ses oreilles se redressèrent, tournant sa tête vers ses flancs, elle eut un léger rire. ❝ Je crois que je suis affamée, je n'ai pas manger depuis deux jours. ❞ Souffla la femelle en posant ses iris dorées dans celles du mâle, l'air légèrement fatigué. Elle l'était mais souhaitait profiter de la présence du mâle pour essayer d'attraper quelque chose. Avec un peu de chance, il était bien plus doué qu'elle? ❝ Tu me crois si je te dis que je suis la pire chasseuse que tu ne verras jamais? ❞ Et c'est ce qui avait d'ailleurs fait sa perte lorsqu'elle avait préféré s'approcher du village humain plutôt que d'attraper un lapin. Corbeau se retourna, offrant un coup de queue amical dans la truffe de Commodor avant de rire légèrement, s'éloignant un peu de la rivière afin d'observer les alentours. Il devait bien y avoir quelque chose dans les environs, non? ❝ Et si nous chassions? Je pense que tu es aussi fatigué mais... manger un peu ferait du bien, hm? Et ça changera nos idées. ❞ Tenta Corbeau après avoir tourné sa tête vers Commodor, tentant de trouver des excuses afin qu'il chasse avec elle.

Eh oui, elle tentait de profiter mais il fallait la comprendre, elle n'avait à présent aucune envie de mourir de faim. Même un lapin arrivait à lui échapper, elle terrifiait les cervidés alors qu'elle se trouvait à de bons mètres d'eux, n'arrivait pas à être suffisamment discrète... une vraie catastrophe ambulante! Et pour peu qu'elle ne se prenne pas un coup de sabot dans le crâne...