Pluie de printemps [Pause]

Pyrus s'ébrouait en grommelant, projetant quelques brindilles ici et là, puis reprit sa ronde. La météo avait décidé de lui mettre la pression, ce jour-là. Les nuages agglutinés au dessus de sa tête rafraîchissaient encore l'air du soir, et ça l'énervait en plus de la prévision logique d'une averse. Il s'était hâté, en partie motivé par l'envie de se cacher avant la pluie qui s'annonçait. Il y avait au moins un avantage, c'était bien sûr que peu de loups de la Plaine ne se baladent innocemment par la promesse d'un temps pareil. Il était d'une humeur massacrante, allez savoir pourquoi. Pas que à cause de la pluie, mais il préférait tout mettre sur le dos de celle-ci. La pluie se plaint rarement de tout ce qu'on lui met sur le dos. Atteignant enfin son objectif final - les tanières, le mâle trottina avec un peu moins de vigueur.

Le brun commença à gravir la butte, les oreilles repliées pour résister à une rafale soudaine. Temps pourri. Pyrus ruminait encore quand une première vague de pluie froide aspergea son museau. S'arrêtant pour contempler d'un air furieux les machins gris s'amoncellant à des kilomètres plus haut que lui, il courut jusqu'aux tanières et se réfugia dans le premier trou qu'il vit à l'odeur éventée, peu enclin à rester longtemps sous la flotte. Cette fichue ronde était finie, de toute façon. Au moins, ça s'était mis à pleuvoir au moment où il était presque à l'abri.

Tiens, une guérisseuse. Il n'avait pas du tout envie d'entamer une rencontre, là tout de suite. Génial. Y'avait pas une seule tanière vide pendant qu'il pleuvait, hein?

- Tu t'es perdu? A moins que tu n'aie besoin de mes soins?

Les paroles de la courtisane n'étaient pas pour améliorer son humeur massacrante -il n'avait déjà pas prévu de se retrouver avec un de ses congénères, et il comptait bien le lui faire comprendre. Ne pouvant empêcher ses crocs de dépasser de ses babines, il poncta ce geste d'un léger grognement et lui jeta un regard mauvais.

- Je crois, répondit-il enfin, d'avoir assez de sens de l'orientation pour ne pas me perdre sur mon propre territoire.

Il n'était pas forcément narcissique en disant ça. Non, seulement franchement ironique et cru.