rien n'est encore dit › Thélis

"La fatigue s'empare petit à petit de tes membres, et tu prend conscience de la façon dont tu traîne les pattes depuis ce matin. C'est normal, après tout ; tes heures de sommeil, et encore, lorsque tu en as, sont toujours dérangées par des bruits extérieurs, comme les castors qui construisent leurs abris, par exemple. Dormir près de la rivière n'est décidément pas une bonne idée, tu le sauras pour la prochaine fois. Si seulement tu avais le temps de prendre une pause de temps à autre, sans avoir à te soucier de poser les pattes sur le territoire d'une meute hostile. C'est en partie pour cette raison que tu commence à réfléchir à ton intégration à l'un de ces groupes, parce que ton état de santé se dégrade lentement mais surement. Et qui sait si les hommes du centre seront là pour te trouver et te soigner, cette fois-ci. Tout ne repose que sur de la chance."

Commodor regarde autour de lui, le poil hérissé par le souffle doux et chaud du vent. Les plaines jaunes ont l'air d'un endroit relativement paisibles. Bien sûr, il ne lui échappe pas que certains énergumènes peuvent déambuler sur ces terres à leur bon vouloir, mais s'il continue à marcher sans savoir quand il pourra se reposer, il va vraiment finir par s'épuiser tout seul. Et puis, mourir de fatigue n'était pas dans ses plans concernant l'avenir, même si ce ne serait pas plus mal. Après tout, il restait avant tout un solitaire, et personne jusqu'à aujourd'hui n'avait essayé de l'intégrer intentionnellement à une meute. Si personne ne voulait de lui, alors il était bon pour lui de tout bonnement disparaître. Le jeune mâle secoua un bref instant sa large tête, avant de s'allonger lourdement au sol, poussant un soupir de soulagement en appuyant sa tête sur ses pattes avant. Enfin une petite sieste bien méritée. Il savait qu'il ne devrait pas penser à mourir alors qu'il avait à peine 3 ans, et qu'il pouvait facilement vivre jusqu'à ses 8 ans. Mais il ne lui restait plus rien désormais, à part ses deux frères qui se trouvaient à des lieues d'ici. Qui sait si un jour, il aurait la chance de les revoir. Et c'était la même chose concernant ses parents. Tout ce que les trois frères avaient jamais sus était que leurs parents avaient disparus, point barre.

Le noiraud ferma les yeux sur l'image floutée des herbes qui se pliaient sous la force de la bise autour de lui, ses oreilles bien dressées sur son crâne, juste au cas ou. Il s'attendait à tout moment à ce qu'un animal quelconque ne vienne le chasser d'ici en clamant ces terres comme siennes. Commodor était bien obligé de l'avouer, mais il se retrouvait perdu entre les histoire de dominance de tel ou tel territoire. Il avait de plus en plus de mal à trouver un endroit ou il pouvait s'abreuver sans risquer d'être poursuivi par toute une troupe de combattants venus lui faire regretter d'avoir toucher leur eau. Lentement mais surement, toutes pensées raisonnables et sensées s'évanouirent de son esprit comme il se laissait plonger dans un sommeil profond, bercé par le froissement des hautes herbes qui le dissimulait aux yeux de tous.