prendre de la hauteur › halifax

Commodor était entré sur le territoire des ours, mais aujourd'hui, la chance était de son coté : aucune traces de ces derniers. Peut-être se trouvaient-ils dans une autre partie des territoires, peut-être avaient-ils changés d'endroit. Il ne connaissait pas les mœurs de ces grosses bestioles poilues, mais il savait en tout cas qu'il n'était guère recommandé d'entamer un combat envers un individu de cette espèce. Il rejoignait totalement l'opinion générale sur le fait que les ours sont les rois de la nature sauvage, parce que même lui avec sa carcasse large n'osait pas se mesurer à eux. C'était une véritable folie de vouloir mettre à mort un ours, c'est l'inverse qui risquait d'arriver.

Il avait fait un arrêt pêche près de la cascade, parce que son ventre grommelait désagréablement, et le bruit qu'il faisait l'empêchait de se concentrer correctement sur son chemin. Du coup, il attendait patiemment qu'un poisson se montre, plongeait la patte et la gueule dans l'eau pour l'attraper, le dévorant avec appétit. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas mangé à sa faim, la plupart du temps, il se contentait d'un malheureux lapin et de quelques baies comestibles, pour éviter de se faire repérer par les meutes environnantes. Ce n'était pas une vie, sincèrement.

Chester et Trenton restant introuvable, Halifax s'entêtait à parcourir encore et toujours chaque recoins de la région - et ce d'ailleurs ce qui l’entrainait dans des aventures diverses et variées - afin de remettre la patte sur ses frères. Il avait certes localisé Windsor qui s'était depuis peu intégré dans la meute à laquelle Halifax appartenait.
Aujourd'hui, ses recherches l'avaient trainés jusqu'aux terres dangereuses des ours: Peu de loups avaient la bêtise de dépasser les limites du territoire, mais Halifax avait confiance en lui et à sa façon d’appréhender les espèces susceptible. Disons qu'il avait - jusqu'à présent - toujours plu aux autres espèces de Whitefawn grâce à sa politesse et à ses belles paroles choisies avec soin. Mais finalement, ce ne fut pas face à un ours qu'il se tint - quoique - mais à un de ses congénères assez imposant et au pelage aussi noir que l’ébène. Il n'avait pas la taille d'Halifax, rares étaient ceux qui l'avaient, mais il avait une telle musculature qu'on osait facilement lui donner le mètre dix. Loin d'être impressionné, quant à lui, Halifax dressa les oreilles et s'approcha de l'inconnu sans grande appréhension.

- Excusez moi? L'autre semblait occupé ce qui finit presque par gêner Halifax. Le loup à l'âme chevaleresque détestait déranger les autres mais il s'agissait là d'une urgence dirons nous. Je vous dérange. Affirma t-il. Mais peut-être auriez vous l'amabilité de m'aider. Je recherche mes frères... Il huma l'air. Le loup noir semblait être un solitaire: Aucune odeurs ni de meute ni d'autre individu ne l'accompagnaient.

- Vous êtes un voyageur... Vous les avez peut-être aperçu. Sa queue fouetta l'air et ses oreilles frétillèrent durant un court instant. Il observa de ses deux prunelles jaunes la rivière. Encore un qui se prenait pour un pêcheur.

- Mon ami, vous feriez mieux de chasser normalement plutôt que de perdre votre temps à fureté la truite. Comme un éclair de génie, soudain: A deux nous attraperons surement quelque chose qui saura vous tenir au ventre. En échange il espérait des informations et une pseudo fidélité. Peut-être l'inconnu pourrait-il être ses oreilles.

Surprise pour le noiraud, ce ne fut pas un ours mal-léché qui lui tomba dessus, mais un de ses congénères. Il s'attendait à tout moment à ce que ce dernier ne s'approche pour le menacer, dieu seul sait pour quelle raison. C'était maintenant son lot quotidien que de recevoir des malédictions et insultes en tout genre. Heureusement pour lui, il était tombé sur un des rares lupins de son gabarit qui étaient polis, et qui savaient se tenir en présence d'inconnus. Dire qu'il était surprise par sa façon de parler n'égala pas l'étonnement qui put se lire dans ses yeux dorés, qu'il écarquilla bien grand lorsque l'autre mâle lui adressa la parole. Eh bien, ça lui changeait des rustres qu'il avait croisé ces derniers jours. « Vous ne me dérangez pas du tout, j'avais fini de toute manière. » rétorqua-t-il aussitôt que l'autre loup eut fini de parler, désireux d'entreprendre une discussion avec un être civilisé, enfin.

Ce dernier comprit immédiatement qu'il était un vagabond après avoir senti son odeur, et tout le corps du mâle se tendit brusquement. Est-ce qu'il allait s'en prendre à lui désormais, laisser tomber le masque et lui montrer son véritable visage ? Mais rien de démoniaque semblait habiter l'autre mâle, qui lui donnait même des conseils et lui offrait son aide pour chasser. En temps normal, Commodor se serait senti attaqué dans sa fierté avec de tels propos, mais ce mâle était tellement "chevaleresque" qu'il ne lui en voulut pas, et se surprit même à rire doucement, gêné. « Je cherchais quelque chose qui me tiendrait le ventre un moment, mais je dois dire que les poissons ne sont pas très caloriques. » Il retira ses pattes de l'eau dans laquelle il pataugeait l'instant d'avant, prenant garde à ne pas éclabousser d'eau sur son interlocuteur. « Concernant vos frères, je suis navré de vous l'apprendre, mais je n'ai pas une seule trace d'eux. Mais si à l'avenir je les croise, et reconnais leur odeur à la vôtre, soyez assuré que vous en serez le premier informé. » promit-il en souriant aimablement.

Ce n'était décidément pas tous les jours qu'il croisait des loups aptes à discuter pendant quelques instants sans se trouver obligé de montrer ses crocs ou de grogner bêtement. C'était désespérant de voir que la grande majorité des loups d'ici se comportaient comme ce qu'ils étaient : de vulgaires bêtes sauvages. « Il est vrai que la chasse figure parmi mes points faibles...mais je ne voudrais pas vous importuner, surtout lorsque vous êtes à la recherche de votre famille. » reprit-il, gardant ses yeux rivés sur l'autre mâle. Cette histoire de frères lui rappelait ses propres frères, et ça le blessait silencieusement.