des ombres qui se rejoignent › Pyrus

"La dernière fois que tu as osé regarder, ta langue était presque devenue blanche, à force de ne pas être hydratée, et même ta propre bile a complètement disparue de ta bouche. Pourtant tu continue à t'entêter, à traverser des plaines et des bois sans chercher plus loin que le bout de ton nez pour trouver une source d'eau, une rivière, ou même une ridicule flaque ou t'abreuver. Est-ce de la stupidité ou du courage, franchement, allez savoir."

Commodor ne se rappelait même plus de la dernière fois qu'il avait eu le loisir de tremper sa langue dans de l'eau fraîche et potable. Donc ça remontait vraiment à très longtemps, si il n'arrivait pas à faire le tri dans sa mémoire brumeuse. Heureusement pour lui, la chance était de son coté aujourd'hui ; en sortant du couvert du bois dans lequel il s'était aventuré il y a quelques heures, le bruit familier de l'eau qui coule lui fit pencher la tête sur le coté, ses oreilles bien dressées sur le haut de son crâne pour deviner l'origine de cette source d'eau. Il se dirigea dans cette direction dés qu'il eut reconnu ce bruit, et son regard s'illumina rapidement en apercevant le filet d'eau clair qui coulait sous ses pattes.

Une fois n'est pas coutume, le noiraud but jusqu'à s'en faire éclater la panse, histoire de garder quelques réserves pour son prochain voyage. Qui sait s'il aurait la même chance la prochaine fois qu'il cherchera une source d'eau. Après s'être roulé un bref instant dans l'eau pour nettoyer son pelage, le jeune mâle s'allongea à coté de la rivière, juste le temps de faire sécher ses poils désormais collés entre eux. S'il reprenait son chemin maintenant, son pelage allait se transformer en un véritable nuage de nœuds, et c'est tout sauf ce qu'il souhaitait. Le soleil tapant déjà fort au-dessus de sa tête, il s'endormit lentement mais surement.

Commodor ne put que soupirer d'un air dépité en voyant les manières du loup qui venait littéralement d'apparaître sous ses yeux. Sérieusement, il n'y avait plus aucune règle de politesse ou d'amabilité de nos jours, c'était désespérant. Ou qu'il aille, il se faisait chasser constamment, comme s'il n'était qu'une pierre sur leur chemin. Il aurait du retourner chez les humains, ou s'enfuir pour essayer de retrouver ses frères. La bonne idée, tiens, il serait certainement mort en quelques jours, dans son état d'antan. Il referma un œil tout en gardant l'autre ouvert, pour s'assurer que l'autre mâle ne cherchait pas à l'attaquer. « Est-ce que désirer s'hydrater figure dans vos bonnes raisons ? » marmonna-t-il en combattant la torpeur qui envahissait à nouveau son corps.

Il avait juste envie de dormir, bon sang. C'était des besoins vitaux qu'il essayait d'accomplir, mais à chaque fois, il y avait quelqu'un pour le déranger. Cela ne faisait que le rassurer dans l'idée que pour survivre au sein de ces terres, il était obligatoire de rejoindre une meute. Il ne pouvait pas imaginer une vie de harcèlement constant en restant solitaire. Nuisance, songea-t-il intérieurement en jetant un bref coup d’œil en direction de l'autre loup.